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Par Pomélo
18 mars · 9 mn à lire
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Le meilleur dossier sur le guide Michelin 2024

Oui, on assume le titre : analyses, portraits, chiffres, anecdotes..., retrouvez tout ça dans cette édition 100% Michelin France 2024

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LES NOUVEAUX RESTAURANTS 3 ÉTOILES MICHELIN

Fabien Ferré (Hôtel du Castellet - Var), 35 ans : la grande surprise de l’année

Il a raté la dernière marche du titre de Meilleur Ouvrier de France en 2018 et en 2022 mais la marche de 2024 qu’il atteint aujourd’hui est encore plus impressionnante : 3 étoiles Michelin, un club de 30 personnes seulement en France à l’heure actuelle, à seulement 35 ans.

Fabien Ferré a secondé pendant dix ans Christophe Bacquié (lauréat en 2018) à l’Hôtel du Castellet et il a fait dorer son CV ici et là (auprès des Troisgros ou de Jean-Michel Carrette en Bourgogne) mais il faut bien le dire : c’est une vraie surprise de le voir à la tête de ce millésime 2024. Car c’est en avril 2023 que le restaurant gastronomique de l’établissement a ouvert avec lui aux commandes, certes, avec les mêmes équipes (son second Guillaume Cocault et les pâtissiers Loïc Colliau et François Luciano, avec ce dernier particulièrement présent sur le gastro), mais tout de même.

Le garçon déroule une partition à la fois végétale et marine (avec des menus entre 120 et 180 euros) qui a séduit les inspecteurs, en particulier le plat de langoustine à la rhubarbe et son velours "coraillé" au vinaigre de fraise. Les desserts aussi, tout en « fraîcheur et en légèreté » ont tapé dans l'œil du guide rouge. Avis aux amateurs : la table rouvre le vendredi 5 avril au dîner, réservations par là.

=> Passer de 0 à 3 étoiles est extrêmement rare en une seule année d’activité. Personne n’avait réussi en France (Alain Ducasse et Joël Robuchon, ont réussi en trois ans) jusqu’ici si ce n’est Arnaud Donckele à Cheval Blanc Paris mais il avait déjà obtenu 3 étoiles sur son nom précédemment.

=> Il faut remonter à 2013, avec Arnaud Donckele (à l’époque basé à Saint-Tropez) pour trouver un nouveau 3 chef 3 étoiles aussi jeune. Donckele avait lui aussi 35 ans à l’époque.

=> Seuls une poignée de chefs ont mieux en termes d’âge : Alain Ducasse en 1990 (33 ans) et les frères Pourcel en 1998 (33 ans). Et, à l’étranger, Fabrizio Mellino (restaurant Quattro Passi en Italie), qui avait 32 ans lors de sa distinction en novembre 2023.

=> Depuis 2018 et à l’exception de 2023, chaque millésime Michelin a distingué de 3 étoiles au restaurant situé dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : Christophe Bacquié (2018), Mirazur (2019), L’Oustau de Baumanière (2020), Alexandre Mazzia (2021), La Villa Madie (2022)

=> Gwendal Poullennec indique par téléphone à Pomélo que "c’est 3 étoiles pour un nouvel établissement avec un autre style de cuisine. Mais il faut rendre hommage à Christophe Bacquié, parce que c’est une transition vraiment réussie. Il indique également que le niveau 3 étoiles était déjà là très rapidement avec des inspecteurs et inspectrices parmi les premiers à s’attabler sur place"

=> L’âge moyen d’un nouveau chef 3 étoiles est de 43,4 ans selon une étude Pomélo se basant sur les près de 40 promus 3 étoiles entre 1984 et 2024

=> Le Gault & Millau décerne un timide 16,5 sur 20 (3 toques) à la Table du Castellet

Jérôme Banctel (Le Gabriel, hôtel La Réserve Paris), une obsession récompensée

Il l’avait dit une fois encore au journal Le Monde il y a un mois tout juste : « Je pense beaucoup à la troisième étoile. Peut-être que, pour le Michelin, je ne la mérite pas, ou peut-être que j’ai raté la fenêtre de tir ». La fenêtre de tir s’appelle 2024 pour Jérôme Banctel, 52 ans, chef de l’hôtel La Réserve à Paris depuis l’ouverture en 2015. Ce discret et élégant personnage a eu deux mentors très différents : le flamboyant et créatif Alain Senderens au Lucas Carton, auteur d’un fameux homard à la vanille, et Bernard Pacaud de l’Ambroisie, considéré aujourd’hui comme un temple de la France avec un grand F. Plat signature de ce Breton : un artichaut (breton justement) confit à la chaux, une technique découverte lors d’un voyage en Turquie qui « concentre sa saveur tout en conservant un incroyable fondant », note Le Monde.

Dans son communiqué de presse, le guide Michelin met en avant un plat en particulier : un homard cuit au binchotan (barbecue japonais qui cuit la aliments en douceur) avec du praliné d’amande et de la pêche à la verveine. Ce triomphe est aussi, un peu, celui de la lieutenante de l’ombre du Banctel, Linh Nguyen, avec qui il collabore depuis plus de 15 ans. Une autre personne doit sourire jusqu’aux oreilles : le milliardaire Michel Reybier (54ème fortune de France avec un patrimoine estimé par le magazine Challenges à 2,2 milliards d’euros), propriétaire de la Réserve et de toute une flopée d’hôtels de luxe en Europe. Dire que l’intéressé a bâti son petit empire en lançant les marques Cochonou et Justin Bridou… Pour s’attabler au Gabriel, comptez 98 euros au déjeuner et 278 à 348 euros le soir.

=> Cela faisait depuis 2020 (avec le restaurant Kei) que Paris n’avait pas obtenu une 3ème étoile

=> Le Gault & Millau décerne 18/20 (4 toques) au Gabriel

LES NOUVEAUX RESTAURANTS 2 ÉTOILES MICHELIN

Maison Ruggieri (Paris) de Martino Ruggieri, ex-lieutenant de Yannick Alléno. Les menus sont chers (200 et 300 euros) mais le niveau est là, avec des « sauces remarquables » et « accords parfois audacieux » note le guide Michelin. J’avais personnellement eu un vrai coup de coeur pour l’un des plats, à base d’huîtres, de beurre blanc au ponzu et de caviar. « Il y a dans le chemin gustatif de ce plat de la rondeur, de l’acidité, des notes iodées qui se répondent (caviar et huîtres) et puis, des feuilles d’épinards qui enveloppent le tout de leur humidité et de leur légère amertume », avais-je noté à l’époque.

L’Orangerie à l’hôtel George V Paris, par Alan Taudon. Ce dernier a longtemps été dans l’ombre du chef Christian Le Squer, chargé de la R&D du vaisseau amiral 3 étoiles Michelin du palace, avant de se voir confier l’Orangerie, une table ouverte il y a quelques années. Les apparences sont trompeuses car Alan Taudon a des airs de charcutier traditionnel or il est capable des créations les plus atypiques comme un plat à la façon d’un poulet rôti avec comme élément principal… une mangue.

=> Cela fait du George V l’hôtel le plus étoilé du monde avec 3 + 2 +1 étoiles au compteur, soit 6 astres au total. A Paris et en France, seul le Pavillon Ledoyen de Yannick Alléno rivalise mais ce n’est pas un hôtel

Le Jules Verne (Paris) de Frédéric Anton (3 étoiles avec le Pré Catelan à Paris) et son lieutenant sur place Kevin Garcia. Le restaurant du deuxième étage de la Tour Eiffel a rouvert ses portes en 2019 avec Anton succédant à Alain Ducasse. C’est la première fois que l’établissement décroche les 2 étoiles.

La Maison Benoît Vidal, le restaurant Sylvestre Wahid (hôtel Les Grandes Alpes 1850), Le Mas des Eydins de Christophe Bacquié et Les Ambassadeurs de Christophe Cussac (68 ans) se voient également récompensés de deux étoiles. Des sommets auxquels ces chefs avaient déjà goûtés puisque auréolés précédemment dans d’autres établissements. Dans le cas de Christophe Bacquié, auréolé de trois étoiles à l’Hôtel du Castellet, précise que ce n’est pas une sanction, au contraire; 0 à 2 étoiles : cuisine que tu as au Mas de Eydins, cuisine plus simple, recettes assez bourgeoises, assez familiales.

Capture du communiqué de presse du guide MichelinCapture du communiqué de presse du guide Michelin

LES NOUVEAUX RESTAURANTS 1 ÉTOILES MICHELIN

Jeunes chefs et jeunes restaurants

Au-delà de la jeunesse du nouveau chef 3 étoiles, le directeur des guides Michelin Gwendal Poullennec fait remarquer à Pomélo la fraîcheur du palmarès 1 étoile. Fraîcheur en deux temps puisque sur les 52 lieux qui obtiennent ou retrouvent 1 étoile, 23 ont ouvert leurs portes en 2023. Par ailleurs, plus de 30 de ces 52 restaurants sont gérés par des restaurateurs de moins de 40 ans.

Quelques cheffes

Il n’y a pas de cheffe récompensée de 3 ou 2 étoiles. En revanche, c’est le cas à 1 étoile : Eugénie Béziat au Ritz Paris, Manon Fleury (Datil à Paris), Émilie Roussey (en duo avec son compagnon) au Moulin de Cambelong (Aveyron) ainsi que Florencia Montes (en duo avec son compagnon) chez Onice (Nice).

Des chefs étrangers

Le chef Francesco Di Marzio (Italie) à la Maison Rosella, restaurant gastronomique du Château de Germigney (Jura). Formé dans des étoilés à travers le globe (Greenhouse à Londres, Amber à Hong Kong), son travail avait déjà été remarqué par le Michelin lorsqu’il officiait pour Anne-Sophie Pic à Singapour (La Dame de Pic à l’hôtel Raffles).

Le chef Yuichiro Akiyoshi (Japon) pour le restaurant Chakaiseki Akiyoshi (Paris) avec un menu à 160 euros au déjeuner et 240 le reste du temps.

Le chef Shinichi Sato (Japon) pour le restaurant Blanc (Paris) avec des menus entre 260 et 360 euros. A noter que Sato avait déjà glané deux étoiles pour son précédent restaurant, Passage 53, à Paris toujours.

Le chef Nick Honeyman (Nouvelle-Zélande) pour le restaurant Le Petit Léon (Dordogne) avec des menus entre 70 et 100 euros. A noter que l’intéressé a été formé à l’Astrance et à l’Arpège et n’hésite pas à proposer en version plus créative joue de bœuf ou magret de canard.

Le chefs Florencia Montes (Argentine) et Lorenzo Ragni (Italie) pour le restaurant Onice (Nice) avec des menus facturés entre 90 et 120 euros. Les deux se sont rencontrés au Mirazur à Menton et elle a travaillé chez Septime (Paris), chez Eleven Madison Park (New York) et chez Faviken (Suède) quant lui a aiguisé ses couteaux chez Enrico Crippa (Italie) et au Ledbury (Londres).

Un Top Chef

Il y a toujours un peu de l’émission culinaire phare de M6 dans chaque nouvelle édition du Michelin. Le lauréat de Top Chef 2018, Camille Delcroix, se voit décerner une étoile pour son restaurant Bacôve situé Béthune et Calais. Les desserts réconfortants comme la tarte au sucre ou la gaufre bruxelloise donnent envie (menu déj’ à 45 euros, autres menus à 80 et 95 euros).

Le plus jeune chef étoilé

Il semblerait qu’il s’agisse de Yoann Delorme, 26 ans, du restaurant Le Chamarlenc situé au au Puy-en-Velay (Haute-Loire). L’intéressé a travaillé à la Mirande à Avignon ainsi que dans le giron de Pierre Gagnaire, quand la Grande Maison à Bordeaux était ouverte. On notera les tarifs très attractifs de son établissement : 29 et 35 euros le midi, 52 et 64 euros le soir.

Paris sourit…

12 tables une étoile, 3 étoiles deux étoiles et 1 table trois étoiles : c’est un carton plein pour la capitale. Certains y verront un signe à l’occasion des Jeux Olympiques mais le Michelin balaie cela : pas de quotas ni de gestes politiques à écouter le guide rouge. Les tables récompensées à Paris sont : EspadonNhomeLe Tout-ParisSushi YoshinagaDatilHémicycleGalangaMaison DuboisOnorGéosmineChakaiseiki Akiyoshi et Blanc.

Mais pas la Normandie ni les Pays de Loire

Ces deux régions, sur 13 au total, ne sont pas récompensées d’une ou plusieurs étoiles Michelin cette année.

Marseille sans rien

La deuxième ville du pays repart bredouille cette année. Certaines adresses auraient pourtant pu prétendre à une distinction, notamment Ekume ou encore le plus récent Belle de Mars. De manière générale, les grandes villes (rien à Nantes, Montpellier, Strasbourg, Bordeaux, Lille, Rennes...) ne sont pas forcément les grandes gagnantes de ce palmarès.

Lyon et Nice savourent

Deux tables lyonnaises obtiennent une étoile : l’Atelier des Augustins du chef Nicolas Guilloton (ex-du Crocodile) avec un menu déjeuner à 39 euros et un autre menu à 82 euros, ainsi que le Burdundy by Matthieu du chef Matthieu Girardon (ancien de la Bouitte) avec un menu déjeuner à 45 euros et d’autres menus entre 80 et 120 euros.

Deux tables niçoises obtiennent une étoile : Onice (voir plus haut dans “Chefs étrangers”) et Racines, du chef Bruno Cirino (un monstre sacré qui a eu deux étoiles sur la Côte d’Azur et qui a formé de nombreux étoilés parmi lesquels Jean-François Piège, Christophe Pelé et Christophe Moret.

Une brasserie étoilée

Le Tout-Paris, brasserie de l’hôtel Cheval Blanc Paris, se voit récompenser d’un astre. Le chef 3 étoiles Arnaud Donckele supervise la table mais c’est son lieutenant William Béquin qui est à la tête de la brigade. C’est la deuxième brasserie étoilée du guide après le 114 Faubourg abritée au sein du Bristol, encore un palace. J’ai goûté récemment ici non pas un brunch mais la version très améliorée et sophistiquée du repas du dimanche à la française. Effectivement, l’étoile n’est pas injustifiée du tout mais il faut compter 160 euros par tête (quatre entrées, un plat, quatre desserts et une coupe de champagne ou autre boisson). Les hôtels Cheval Blanc peuvent sourire puisqu’une étoile tombe également sur l’un des restaurants de Cheval Blanc Saint-Tropez, la Terrasse. Là aussi, la « cuisine bistronomique » annoncée à un prix : 165 euros pour entrée-plat-dessert.

Un goûter étoilé

Le chef Benoît Boulard obtient une étoile pour son restaurant Montblanc situé en Savoie. Cet ancien pâtissier auprès de Camille Lesecq (alors boss sucré de l’hôtel Meurice) propose également un goûter chaque après-midi avec la confection de tartelette et cakes. Pour les menus (hors goûter), comptez entre 85 et 115 euros.

Ceux qui doublent la mise

2024 est un heureux millésime pour certains chefs ou restaurateurs qui ajoutent une étoile de plus à leur veste qui en compte déjà une voire plusieurs : c’est le cas de Mathias Dandine, patron de La Magdeleine (une étoile Michelin dans les Bouches-du-Rhône) qui voit la Bastide Bourrelly (près d’Aix-en-Provence) être récompensée d’une étoile cette année. Une étoile aussi pour le restaurant Hémicycle (Paris), ce qui doit ravir le serial restaurateur Stéphane Manigold qui compte déjà dans sa collection les tables Substance*, Contraste*, Granite* et Maison Rostang**. Quant à Arnaud Donckele, au-delà des 3 étoiles des grands restaurants des hôtels Cheval Blanc à Paris et à Saint-Tropez, il ajoute deux étoiles à son palmarès toujours avec Cheval blanc (brasserie Le Tout Paris et La Terrasse à Saint-Tropez)

Débuts timides pour le Ritz

La cheffe du Ritz, Eugénie Béziat avait déjà une étoile Michelin avant son arrivée au sein du palace parisien mais compte tenu de l’histoire de ce dernier (il y avait 2 astres il n’y a pas si longtemps sous l’ère Nicolas Sale), de son prestige et des prix pratiqués (menus 290 et 380 euros), on s’attendait à mieux.

Capture du communiqué de presse du guide MichelinCapture du communiqué de presse du guide Michelin

LES AUTRES LAURÉATS

Pâtissiers de l’année

Aurora Storari (restaurant Hémicycle* à Paris), Patrick Mesiano (Aux Ambassadeurs by Christophe Cussac** à l’hôtel Métropole à Monaco), Benoit Goulard (Chez Mont Blanc Restaurant & Goûter* en Savoie), François Luciano ( La Table du Castellet*** dans le Var Castellet), Max Martin (Le Pré Catelan*** à Paris), Pascal Hainigue (Auberge de l’Ill** dans le Haut-Rhin), Julieta Canavate (restaurant Ceto* à l’hôtel The Maybourne Riviera dans les Alpes-Maritimes) ainsi que Pierre-Jean Quinonero (Le Cap* au Grand-Hôtel du Cap-Ferrat dans les Alpes Maritimes)

Service de l’année

Sandrine Deley Favario (Auberge de Montmin** en Haute-Savoie) et Serge Schaal (La Fourchette des Ducs** dans le Bas-Rhin)

Sommeliers de l’année

Les sommeliers de l'année sont Xavier Tuizat (L'Ecrin* de l'Hôtel de Crillon à Paris) et Magali Delalex de la Table de L'Ours* à Val d'Isère.

Jeune chef de l’année

Théo Fernandez, chef de l’Auberge de la Forge* à Lavalette près de Toulouse

=> Yannick Alléno reçoit le prix Michelin du chef mentor

ÇA NE CONCERNE PAS LE PALMARÈS MAIS C’EST QUAND MÊME MICHELIN

50 000

C’est le nombre d’exemplaires du dernier guide Michelin France vendus selon Bibendum (tirage de 70 000 exemplaires). Il y a les ventes librairies & cie mais aussi l’export, les guides vendus directement aux restaurants qui souhaitent une version personnalisée… (source : Le Parisien).

Nouvelle rédactrice en cheffe du magazine du guide Michelin France

Il faut applaudir la nomination de Tina Meyer, ex-journaliste de Time Out Paris et spécialiste des vins modernes, qui pilote depuis janvier les contenus du magazine en ligne du guide Michelin : par là pour lire.

Un chef 3 étoiles natif de Tours

La France compte 30 chefs 3 étoiles mais en réalité, il y en a un peu plus… si on prend la poignée de chefs français basés à l’étranger : il y en en Europe et aux Etats-Unis (Hélène Darroze à Londres, Dominique Crenn à San Francisco, Eric Ripert à New York) mais surtout en Asie (Paul Pairet à Shanghai, Olivier Chaignon à Tokyo, Sébastien Lepinoy et Julien Royer à Singapour et Guillaume Galliot à Hong Kong). La cérémonie du guide Michelin France ayant lieu à Tours, je me suis dit que c’était le moment de parler de Guillaume Galliot, originaire du territoire et triplement étoilé depuis fin 2018 (millésime 2019) avec le restaurant Caprice situé au sommet de l’hôtel Four Seasons. D’autant que j’y étais cet été et le niveau n’a pas à rougir par rapport aux confrères dans l’Hexagone, bien qu’ici, la cuisine est plus “lisible” avec certains plats reconnaissables directement comme un tartare de boeuf (avec huître et caviar) ou encore une tranche de pâté en croûte.

L’homme de 42 ans a commencé dans différents restaurants de sa région, dont l’ex 3 étoiles Charles Barrier à Tours, puis s’est éloigné un peu (les frères Pourcel à Montpellier) puis beaucoup plus loin (Marrakech, Canada, New York, Singapour, Pékin) et jusqu’à Macao où il obtient deux étoiles Michelin. Le Four Seasons de Hong Kong le débauche pour aller chercher les 3 astres qui furent déjà décernés par le passé ici à un autre chef français. En décembre 2018, la cérémonie des nouveaux étoilés a lieu à Macao. Des copains de Guillaume Galliot lui disent que le guide rouge les a appelés mais rien pour lui qui attend le début de la célébration dans un café voisin avec son épouse. “Bon, ce sera pas pour cette année, on va travailler pour l’avoir l’année prochaine”, dit-il à cette dernière. Cinq minutes plus tard, le téléphone de Galliot sonne, un numéro français inconnu s’affiche. “Bonjour, c’est Gwendal Le Poullennec (directeur des guides Michelin), je vous appelle pour vous annoncer que vous allez faire partie du club fermé des trois étoiles”. Guillaume Galliot : “Avant de me mettre à chialer, je répète ‘Oh putain, c’est pas vrai’ sans faire attention à qui j’avais au téléphone. Donc je m’excuse pour le langage. Je ne pensais pas que ça monterait aussi vite, je n’étais à Hong Kong que depuis un an et demi”. Une grande fête sera organisée pour fêter ça avec les 70 collaborateurs des lieux,”de la plongeuse au directeur”.

Les inspecteurs ont notamment dû apprécier les entrées à base de tomates cultivées “par passion” par le beau-père de Galliot, Jacky, dans le jardin familial de Ballan-Miré (Indre-et-Loire). On parle de plus de 150 kilos qui permettent au restaurant d’être autonome sur la chose une partie du mois de juillet et en août. C’est le producteur de pigeons du chef, qui habite à 20 minutes de chez ses parents, qui centralise tous les produits. Mais le plat star du Caprice, c’est le laksa, une soupe singapourienne épicée au lait de coco retravaillée en version gastronomique. Guillaume Galliot en a d’ailleurs imaginé une version avec du homard, des noix de cajou, de la citronnelle et du gingembre pour le mariage du célèbre footballeur italien Marco Verratti, longtemps joueur au Paris Saint-Germain (PSG).

En près de 20 ans de présence en Asie, Guillaume Galliot a eu le temps d’assimiler les goûts locaux. “Je ne rajoute pas un peu de yuzu sur un poisson pour dire ‘Tiens, j’ai envie de partir dans un esprit japonais’. Non, il faut que ça fasse sens avec tout le plat. J’ai en tête des plats que j’ai goûtés dans des restos ou chez des familles qui m’ont aidé à comprendre le territoire”. Le cuisinier loue les produits d’exception qu’il trouve dans la région, comme le kinki et le nodoguro (poissons) ou les oursins. “Les oursins japonais sont beaucoup plus doux, moins iodés que les françaises”. Autres grands produits sur place : les fruits. “On a les mangues d’Inde, des Philippines, d’Indonésie… En France par exemple, on est très mauvais sur les mangues, on va les chercher en Afrique mais ce n’est pas la même qualité”. Galliot utilise la mangue en dessert (les sauces, qui font partie de son ADN culinaire, sont également présentes côté sucré) mais aussi en cuisine. Avec de la mangue verte coupée en petits dés avec du gingembre, il accompagne un turbot, utilise aussi la mangue avec de la langoustine rôtie très légèrement avec une sauce oursin-wasabi.

Voilà, Pomélo c’est fini ! Merci pour votre confiance, à la semaine prochaine. Ce numéro a été préparé et écrit par la rédaction de Pomélo dirigée par Ezéchiel Zérah. Quant à la photo qui illustre le numéro sur l’espace Kessel de Pomélo, elle est de Michelin via Facebook.

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