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Du mardi au vendredi, le meilleur de la food

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Par Pomélo
18 juin · 5 mn à lire
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Hommage au "Bocuse de la mer"

Mais pas que.

Bonjour ! Nous sommes le mardi 18 juin 2024 et vous lisez Pomélo, la newsletter des infos et tendances food publiée chaque matin du mardi au vendredi.

Aujourd’hui, pas de Pomélo avec plein de news et de tendances. Ou plutôt si : l’actu, malheureuse, du décès du cuisinier Jacques Le Divellec, parti le jeudi 13 juin 2024 à l’âge de 91 ans. J’ai eu la chance de déjeuner en tête-à-tête, en 2017, dans un bistrot parisien, avec ce géant de la cuisine française qui fut un pionnier de son métier et un faiseur de tendances à différents niveaux. Pourquoi le Breton fut si important pour la France à fourchette du XXème siècle ? La réponse ci-dessous, en 16 points.

Déjeuner avec Jacques Le Divellec en 2017 à Paris, au sein du bistrot Au Petit Tonneau / photo EZDéjeuner avec Jacques Le Divellec en 2017 à Paris, au sein du bistrot Au Petit Tonneau / photo EZ


🐌 Un “Pacha” et ses escargots. C’est son restaurant parisien (esplanade des Invalides), récompensé de deux étoiles Michelin du début des années 1980 à 2004, qui fut son vaisseau amiral mais Le Divellec se fit d’abord connaître à La Rochelle avec le Yachtman, bistrot racheté en 1958 et transformé au fil du temps en hôtel fort de deux restaurants, dont le gastronomique baptisé le “Pacha” (deux étoiles en 1978). On y mangeait notamment de l’escargot - appelé “cagouille” dans la région - décliné en omelette ou en salade tiède avec des “pommes nouvelles”. Mais aussi d’autres produits peu nobles comme les coques, préparées en mousse avec des pointes d’asperges ou les bigorneaux en salmis, dans un feuilleté.“Une très grande maison”, notait en 1979 La Reynière, influent critique gastronomique du journal Le Monde.

🏨 L’un des premiers chefs consultants dans l’hôtellerie et dans l’aérien. Jacques Le Divellec reçoit en stage, à partir de 1980, des cuisiniers des hôtels Hilton de la planète entière. Il travaillera pour l’enseigne américaine pendant 25 ans d’où des innombrables voyages. Pionnier, il le sera également via sa collaboration avec Servair (entreprise française en charge des repas dans les avions) dans le cadre du “studio culinaire” réunissant dès 2009 les chefs Joël Robuchon, Guy Martin et Le Divellec donc.

🌍 Un très grand voyageur. L’homme a fait plusieurs fois le tour du monde. Le Monde note dans les années 1980 qu’il a ramené de ses “périples orientaux” l'idée d'une cassolette de grenouilles et langoustines au vin de riz ou encore d'une aiguillette d'agneau au thé. L’homme goûtait tout en voyage : rien qu’en Chine, il avala serpent, sang de serpent, cervelle de singe, scarabées, friture de sauterelles, couilles de taureau, de mouton, de tortue, oeuf de mille ans (”horribles, puants !”, dira-t-il). C’est encore en Chine qu’il découvre les cuissons douces pour le poisson. Des années plus tard (en 2012 plus exactement) sera publié aux éditions de la Martinière l’ouvrage Le Tour du monde de Jacques Le Divellec. Plume du livre, la brillante Sophie Brissaud écrira dans un billet de blog : “Ce que vous y lirez vous surprendra. Vous y découvrirez un pionnier de la world food qui a depuis longtemps exploré des terrains que certains croient actuellement découvrir. On ne fait jamais assez attention aux pionniers ; ils passent trop souvent inaperçus”.

🔥 “Que de petites révolutions culinaires on lui doit !”, a écrit pour le site Food & Sens Sophie Brissaud, grande journaliste gastronomique. Cette dernière considère qu’il fut l’un des premiers à introduire en gastronomie française les algues mais aussi les premiers tartares carpaccios de poisson, le premier saumon à l’unilatérale. “Il a aussi rapporté le saumon gravlax de Scandinavie (alors que le mélange sucré-salé était impensable dans l’Hexagone, ndlr), le barbecue nord-américain au Hilton Suffren” et créa ”les fameuses huîtres frémies à la laitue de mer — remettant du même coup au goût du jour les huîtres chaudes un peu oubliées depuis l’avant-guerre”, ajoute Brissaud.

🥇 Dans le club des 5. Jacques Le Divellec fut, le premier, récompensé de la Légion d’honneur au rang de Commandeur. Une poignée d’autres chefs seulement suivirent : Paul Bocuse, Georges Blanc, André Daguin et Guy Legay. En 1989, millésime exceptionnel pour Le Divellec : c’est lui qui est missionné pour les trois jours de repas célébrant le bicentenaire de la Révolution et la réunion du 15ème sommet du G7. On parle de 22 000 couverts au total (7 000 journalistes, 37 chefs d’Etat)…

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