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Par Pomélo
21 août · 4 mn à lire
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Règlements de comptes avec Paul Bocuse

C’est le livre choc de la rentrée food. La journaliste Eve-Marie Zizza-Lalu démolit le grand chef qui prit pour 3ème femme la mère de l’autrice. Et veut réhabiliter la place de la mère dans le succès de l'empire Bocuse.

Dès les premières lignes de “Bocuse malgré moi”, à paraître aux éditions Stock le 18 septembre 2024, Eve-Marie Zizza-Lalu (que l’on simplifiera par l’acronyme EMZL) n’y va pas par quatre chemins : Paul Bocuse fut son « ennemi d’enfance » à partir de ce jour de 1975 où il fréquenta sa mère, Patricia Zizza, de 15 ans sa cadette, attachée de presse pour une styliste lyonnaise

La petite fille de 7 ans est d’abord sur la défensive face à ce Monsieur qui est posté chaque jour chez elle, sur sa chaise à elle, à l’heure du goûter pour prendre un thé au lait. Irritations ensuite : pourquoi n’ôte-t-il pas ses chaussures avant de s’enfoncer dans la moquette ? Pourquoi répand-t-il de l’eau partout dans la salle de bains dans une maison qui n’est pas la sienne ?

Puis vient la détestation totale de ce personnage célèbre (couronné de trois étoiles Michelin 10 ans plus tôt pour son établissement en banlieue lyonnaise) « qui ne dîne jamais à notre table mais dévore notre vie ». Aux yeux de la petite EMZL, Bocuse colonise tout : la ligne téléphonique qu’il fait sonner 20 fois par jour, la tapisserie de la cuisine qu’il retape en surprise avec une reproduction sur papier peint d’un timbre à son effigie (voir plus bas en couverture), le corps de sa mère (tatouage avec les initiales PB, « Maman enchaînée » avec le bracelet Cartier offert), les moments mère-fille amputés par les tournées de travail de Bocuse à l’étranger, dix jours, puis quinze jours, puis trois semaines, pendant que la gamine est accueillie dans une famille rémunérée pour la garder… 

Pour EMZL, sa mère est « attachée de presse (…), maîtresse, déesse, salope, femme de chambre, soubrette, horloge parlante, cire-pompes (…) ». Car Patricia Zizza, à la demande de son nouvel amoureux, rejoint l’empire Bocuse naissant tout en devant cacher sa liaison au départ. C’est que le contexte est très particulier, Paul Bocuse étant déjà en couple et deux fois : marié à Raymonde (morte en 2019), gardienne du grand restaurant et mère de sa fille aînée, et lié à sa maîtresse en titre Raymone Carlut, qui lui a donné un héritier mâle. Aux yeux d’EMZL, peu importe les mots d’amour du grand cuisinier : Patricia Zizza sera toujours la n°3. « Je suis la fille de la femme avec qui il n’a jamais vécu. La fille de la femme qu’il a fait souffrir. Comme les autres. Plus que les autres ? ».

Couverture du livre en vente le 18 septembre 2024 aux éditions Stock (280 pages - 20,90 euros)

Le méchant de Bocuse malgré moi est dépeint comme un ogre sexuel,  un infidèle menteur. « Les femmes, il n’en connaît que deux catégories, celles qu’il a baisées et celles qu’il va bientôt baiser », pique l’autrice. Le « Mitterrand » de la gastronomie. Même si la réputation de coureur du président français a été (un peu) adoucie par les 1 200 lettres d’amour envoyées à sa maîtresse Anne Pingeot et rassemblées dans un livre en 2016. Il n’y a pas que les femmes plus ou moins officielles avec Bocuse, il y a toutes les autres qu’il met dans son lit : une milliardaire japonaise qui l’ensevelit de cadeaux parmi lesquels une Rolls aux couleurs d’un de ses plats phares, une voisine de son restaurant chez qui il se rend le matin avant d’aller au marché « pour se mettre en jambes. Façon de parler. Il se sent mieux quand il a tiré un coup avant d’attaquer la journée », écrit EMZL. Ce qui n’empêche pas Paul Bocuse d’être un jaloux maladif, se pointant à l’improviste chez Patricia Zizza un 24 décembre au soir pour vérifier avec qui elle dîne. « Le plaisir d’être entièrement possédée cède à la fatigue d’être envahie », analyse EMZL. 

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