Pomélo

Du mardi au vendredi, le meilleur de la food

image_author_Pomélo _
Par Pomélo
13 févr. · 8 mn à lire
Partager cet article :

Vous sentez quoi pour 2024 ? 26 experts répondent

Restaurateurs, journalistes, chefs, designers, consultants, photographes, communicants... : leurs prévisions et projections food pour l'année en cours

Sophie Cornibert, co-fondatrice de Fulgurances

Sète, car depuis quelques temps je sens qu’il va s’y passer des choses ! Pour moi, c’est un peu le nouveau Arles. Non loin d’une grande ville, Montpellier, plus populaire, à taille humaine, avec un véritable patrimoine culinaire et historique. Une dimension underground aussi qui peut laisser penser que tout est encore en friche et à imaginer ! Bref, j’imagine Sète comme étant la prochaine destination food où les artisans, les chef•fes et les restaurateurs vont pouvoir s’amuser !

Côme de Chérisey, administrateur de nombreuses entreprises food et ancien patron de Gault & Millau

Il y a un grand mouvement qui a démarré il y a une cinquantaine d’années : celui de l’émergence de la marque « chef » par rapport à la marque “restaurant”. Un mouvement initié par Paul Bocuse avec la Nouvelle Cuisine. Aujourd’hui, on assiste à un mouvement inverse : la marque “restaurant” l’emporte sur la marque “chef”. Il y aura toujours un top 10 ou 15 des très grands chefs (généralement des chefs propriétaires) qui sont des marques très puissantes, internationales. Par contre, en dessous de ce top, les chefs vont avoir du mal à exister, même s’il y aura toujours des exceptions. C’est donc le retour des restaurateurs face aux chefs propriétaires.

Sonia Verguet, designer culinaire

Je pense à un retour au bon sens dans la création. C'est à dire qu'on va arrêter de faire des projets courts style collab pour faire le buzz (il y a de super associations, attention ! Par exemple Amélie Pichard+ Zelikha dingajjvonpanureEmma bruschi autour de la galette des rois) . Comme dans la mode, il faut arrêter la fast fashion. En food, on peut arrêter les concepts qui durent une saison. On va avoir envie à nouveau de créer des intemporels. Des projets signature qui durent 10 ans !

Benoît Lengaigne, responsable du master Boire, Manger, Vivre de Sciences Po Lille

La salade César qui aura 100 ans le 4 juillet 2024. C’est un grand classique de la cuisine américaine, connu (presque) partout. C’est simple, facile à préparer, et très bon quand les ingrédients sont bien choisis … Sans doute incontournable pendant les JO !

Robin Panfili, journaliste culinaire pour Konbini

Un retour à la ”lisibilité”. Si l’on doit trouver un coupable à la petite mort — bienvenue — des assiettes à partager, je pourrais citer une poignée de restaurants qui ont compris avant tout le monde que l’avenir se jouait désormais sur la lisibilité d’une carte et d’un menu. Trop c’est trop : on veut savoir ce que l’on mange. On veut être rassurés, sereins, tranquilles. On ne veut plus se prendre la tête et se forcer à être surpris par des plats et associations que l’on retrouve désormais un peu partout. Non, on veut de la clarté. Je pense notamment au menu de mon restaurant préféré depuis quelques longs mois, Lolo Bistrot, qui est revenu à un format traditionnel, et sécurisant, sur sa carte : entrées/plats/desserts. Je pense aussi à Vecchio qui a réussi son pari en offrant une cuisine italo-américaine lisible, confortable et enveloppante, qui sait où elle va. Qui ne déçoit pas mais qui rassure. Je pense aussi au Bistrot des Tournelles, ode à la cuisine française de bistrot, là aussi très franche du collier, et superbement exécutée. En 2024, moins de chichi, et plus de clarté, donc

Léo Corcelli, fondateur de l’agence de conseil en F&B Tomorrow Food

Jusqu’à présent à Paris, un restaurant traité dans un bel hotel, c’était un restaurant signé par un chef. Dans les 5 étoiles, on avait un chef connu qui signait la carte, avec un restaurant déficitaire. Pour les 4 étoiles, c’était pareil, une table déficitaire, à l’exception de 2 ou 3% des cas, avec des chefs moins connus. Les hôteliers ont toujours eu et ont peur de la restauration car elle est moins rentable mais la mutation des hôtels, et plus particulièrement des boutique hôtels, fait que de plus en plus d’établissements se veulent des lieux de destination, pour se différencier. Tu réduis la taille des chambres et tu montes le niveau d’exigence dans les espaces communs. En 2024 pour moi, on est à l’apogée de cette tendance et cela va continuer. On peut citer comme exemples l’Eldorado, Beige, Hana, la Dame des Arts, le Grand Mazarin ou encore le Super Hôtel (c’est son nom) à venir dans le 19ème arrondissement avec un néo-diner à l’américaine.

Elisabeth Debourse, rédactrice en cheffe du Fooding

Je sens quelque chose autour du "bizarre". On a vu beaucoup de choses élaborées, construites ces dernières années et je pense qu'on va vers d'autres choses qui sortent des clous, des choses qui ne sont pas faites pour plaire et qui ne plairont peut être pas. Dans la céramique par exemple, on voit des choses beaucoup moins lisses, avec des pièces plus filandreuses, plus épaisses, plus baroques, des coulures, où l'erreur de la main est plus apparente. On est revenus dans les arts de la table à des couleurs moins esthétiques, avec le retour du brun foncé. Quand je parle de baroque, j'ai en tête des choses pas moches mais intrigantes, qui peuvent effrayer. Il y a aussi le concept de pop up Ona qui avait imaginé un décor brutaliste avec un montage d'éviers en inox au sein même du restaurant éphémère. Il y a quelques semaines, j'étais au marché de Noël du restaurant Flamme à Bruxelles et il n'avait rien à voir avec ceux d'ailleurs, il y avait des bijoux, de la céramique, du vêtement et c'était vraiment cette vibe-là, dont je viens de parler. J'ai acheté un grand bol de la céramiste Justine Court qui travaille à la main et réalise des bougeoirs de table un peu monstrueux. Après, pour revenir au bizarre, est-ce qu'on est prêt à voir des choses bizarres dans nos assiettes ?

Victoria Effantin, co-fondatrice des boulangeries parisiennes Mamiche

Aujourd’hui, on a remarqué que les gens avaient envie de faire deux ou trois gestes de cuisine à la maison sans pour autant devoir faire les courses et se casser la tête pour trouver une idée. À la boulangerie, ils nous achètent de plus en plus de pâtes feuilletées ou de pâtes à pizza. Coté traiteur (Mamiche Traiteur) : des plats faits avec de supers produits (lasagnes, hachis parmentier, brandade de morue) ou des bagels qu’ils mettent au congélateur. Comme ça, le jour où ils sont pressés “Hop, je sors un super bagel, j’ajoute saumon et cream cheese, et je fais à mon fils un bon repas pour son activité”. Pour moi, c’est ça la tendance : les jeunes cadres et les familles veulent manger rapidement, mais plus sainement et avec du goût. Le “rapide” n’est pas le seul critère, comme il y a deux ou trois ans, où le réflexe c’était de commander sur Deliveroo (souvent des pizzas, des burgers ou des plats asiatiques.)

Baptiste Aubour, directeur artistique dans le secteur de la gastronomie et fondateur de Ventre, studio d’intelligence culinaire

La cocotte minute. Le vrai retour du “cuisiner chez soi” quand les sorties restaurants vont être de plus en plus rares, car de plus en plus chères. Et cuisiner chez soi passe par la pratique et la cocotte représente pour moi le plaisir décomplexant d’obtenir un résultat fondant en un minimum de temps. C’est aussi le symbole du réconfort et des odeurs de plats mijotés vaporeux, pendant que le monde qui nous entoure est de plus en plus insécurisant. La cocotte, c’est accepter de ralentir en un minimum de temps. Puis c’est enfin le moyen le plus simple de se remettre aux légumineuses ! Et la recette par excellence pour moi, bon pour la santé et moins chiant qu’une soupe : la bissara (soupe de pois cassés) avec une belle huile d’olive.

...