Cette fatigue face à toutes ces nouvelles adresses food.
Je cherchais un mot étranger signifiant “fatigue” et je suis tombé sur क्लम (klama), ce qui, en sanskrit, veut dire “lassitude”. Ça fait écho à ce que je ressens en ce moment : il y a trop de nouveaux bistrots, cafés, boulangeries qui ouvrent, en particulier à Paname évidemment, mais c’est aussi le cas à Marseille et sans doute dans d’autres villes. Cela fait 12 ans que je vais au resto midi et soir, et j’aime toujours autant ça, mais je me lasse de plus en plus de cette course aux nouvelles adresses. La food est devenue une immense pieuvre et tout n’est pas à prendre là-dedans, d’autant que tout le monde se copie. J’ai envie de retourner plus souvent dans les mêmes adresses, tisser moins de liens, mais des liens plus épais. C’est incompatible avec mon métier de journaliste spécialisé dans la bouffe mais plusieurs fois, ça m’a titillé de fréquenter uniquement une cantine pendant un an, ça aurait fait un article marrant. J’avais déjà exploré (un peu) la chose avec mon papier intitulé “Le jour où je suis devenu un habitué”. Ce joli moment où tu t’assois et que, sans commander, le café allongé arrive sur table.
Ce flux continu de nouveaux endroits me fait aussi m’interroger sur le business de ces derniers : le gâteau n’est pas infini, comment les restaurateurs s’en sortent-ils alors que la concurrence n’a jamais été aussi forte ? Et puis, je ne sais pas si vous sentez ça également mais il y a de nombreux restaurants qui ouvrent avec des tarifs assez élevés, avec aucun menu déj à midi, et je demande qui mange là-bas sachant qu’on est dans une période fragile économiquement.
En même temps, parce que la nouveauté excite l’oeil, je regarde quand même un peu ce qui se trame, notamment sur Insta, et puis je finis par y aller. Foutu klama !
Allez, on passe aux actus & trends
Des verres qui font parler. Voilà à quoi s’intéresse le New York Times qui dresse un constat : après des décennies de verres à pied simples et minimalistes, l’époque est au bizarre, au bancal. Ou, comme le dit le verrier Cedric Mitchell installé en Californie, “les gens remplissent leurs maisons d'objets qui suscitent la joie, la créativité et la conversation”. Lui vend par exemple des verres… penchés. Dans le même esprit, il y a aussi le travail de la Danoise Helle Mardahl ou de la Franco-Américaine Sophie Lou Jacobsen. Plus artistique encore, ce que fait Dana Arbib, exposée dans des galeries.
Je suis complètement passé à côté d’Atef Barbouche, un primeur parisien qui cartonne sur Insta (288 000 abonnés). L’homme, qui se définit comme “artiste primeur” ou “créateur fruitier”, gère l’affaire familiale, La Ferme de Longchamp, qui date de 1948 et qui est située dans la très chic rue de Longchamp dans le XVIème. Il s’est fait connaître sur les réseaux avec ses plateaux de fruits frais ou ses “sushis de fruits” en vente sur son site web (jusqu’à 280 euros la pièce montée), les mêmes que commandent ministres et footballeurs (toujours dixit le bonhomme). Fin octobre, Barbouche a prévu d’ouvrir une boutique encore plus haut de gamme à Neuilly (Hauts-de-Seine) où il présentera les “plus beaux fruits et légumes du monde”, une collection de jus pressés à froid et une “pâtisserie de fruits où chaque création est une oeuvre d’art”. Sont annoncées également une “robe aux fraises” et une “Tour Eiffel en mangue”. Je suis toujours dubitatif sur ces mecs qui s’auto-proclament “artistes” (surtout quand tu sais que les “primeurs” parisiens te vendent souvent des trucs pas ouf) mais là, je ferais bien un tour sur place.
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