LA question de l'époque.
Nouveau RDV dans Pomélo en partenariat avec la crème Elle & Vire Professionnel : trouver et raconter les prochain(e)s grand(e)s de la pâtisserie en France, les futurs leaders du sucré aujourd’hui seconds, adjoints, sous-chefs et parfois déjà chefs pâtissiers (mais encore méconnus). Pomélo s’est appuyé sur son expérience. On a aussi appelé plumes spécialisées et stars de la pâtisserie pour débusquer de nouveaux talents, les rencontrer, goûter leur travail. Quatrième épisode avec Joannice Lacémon, co-fondateur de la pâtisserie Jouvence à Bordeaux.
Illustration Nicola Ferrarese pour Pomélo
Le sucré, Joannice Lacémon est tombé dedans étant petit. Depuis sa première bouchée dans un fraisier, son goût pour la pâtisserie n’a jamais faibli. Désormais chef pâtissier accompli, celui qui a côtoyé les étoiles à Paris, puis Londres, est revenu dans sa ville d’enfance ouvrir son premier salon de thé, Jouvence, à Bordeaux.
« Je dois l’avouer, je mange des quantités de sucre astronomiques », attaque d’emblée le trentenaire, attablé devant un café (sans sucre) chez Jouvence. Son penchant pour l’art du dessert, Joannice le tient avant tout de sa grand-mère auprès de qui il a grandi dans l’Est de la France. « Elle cuisinait tout elle-même, c’est elle qui m’a transmis cette culture du bon produit : nous allions chercher les œufs à la ferme, le beurre, le lait… » Pour autant, la pâtisserie ne lui est pas tout de suite apparue comme une vocation. Passionné de sport, il a d’abord envisagé une carrière dans le BMX, avant de s’orienter définitivement sur la cuisine, jugée – a priori– moins dangereuse. Son bac pro en poche, il fait deux ans d’apprentissage en boutique, puis décroche le poste de responsable pâtisserie au bistrot du Gabriel, restaurant étoilé bordelais. Première révélation.
« À cette époque-là, l’étoilé du premier étage était tenu par François Adamski, Meilleur Ouvrier de France (MOF) et vainqueur du Bocuse d’or. Après mon service au bistrot, je montais souvent lui donner un coup de main. Plus je me familiarisais avec le métier et ses codes, plus j’étais intéressé par la haute gastronomie ». Peut-être aussi parce que ce monde lui était alors bien étranger : issu d’un milieu modeste, le jeune homme n’avait jamais mis les pieds dans un restaurant gastronomique jusqu’ici. Pris d’une envie frénétique d’apprendre, il potasse alors tous les livres qui lui tombent sous la main, et compile une « bibliothèque d’accords », dont il se sert encore aujourd’hui : « à cette époque, je notais tout ce qui me semblait bien aller ensemble dans un grand calepin : fraise et agrumes, rose, ou estragon, ce genre de choses… »
Au bout d’un an au Gabriel, il prend la responsabilité de la pâtisserie du restaurant étoilé La Cape, proche de Bordeaux, aux côtés de Maxime Bouttier. Là, Joannice laisse libre cours à sa créativité. « On cuisinait à l’instinct, on ne faisait pas d’essai, on changeait la carte toutes les trois semaines… C’était un peu fou, mais extrêmement enrichissant ». Puis direction Londres, où il se rend sur un coup de tête, avec pour seul bagage un anglais balbutiant. Heureusement, le langage de la cuisine est universel, et le jeune homme trouve rapidement sa place au sein de la brigade cosmopolite du Greenhouse, doublement étoilé. Au bout d’un an et demi éreintant, il retourne en France et passe six mois aux côtés de Jérôme Banctel, à La Réserve, où il rencontre Jeanne, sa future associée. Puis il intègre la brigade de celle qui sera sa mentor : Hélène Darroze. Seconde révélation.
« Avec Hélène, on se comprenait tout de suite. Comme moi, elle a grandi avec cet amour du produit un peu rustique, ces souvenirs de cuissons dans la cheminée, les recettes de sa grand-mère… » S’ensuit une collaboration de quatre ans, à l’issue de laquelle Joannice décide qu’il est temps de concrétiser le rêve qui l’habite depuis son apprentissage : ouvrir son propre salon de thé. Épaulé par Jeanne, ils inaugurent Jouvence en 2023, après un travail de sourcing colossal auprès des producteurs locaux. « Nous tenions à travailler les matières brutes de A à Z, avec une certaine esthétique, des accords intéressants, et le moins de déchets possible ».
À la carte, en plus des gâteaux de voyage, Joannice et Jeanne proposent donc cinq classiques, dont la garniture varie en fonction des saisons. Je pars souvent d’un accord, puis je réfléchis au support sur lequel je vais pouvoir le décliner, explique Joannice ». Beaucoup lui viennent de son enfance, comme ce chou à la crème de chicorée et au sarrasin caramélisé, souvenir de la tasse fumante que buvait sa grand-mère le matin.
En grand amateur de crèmes, le pâtissier souhaite imprimer sa patte notamment sur le pochage et le montage : « J’aime jouer avec les textures, marier crémeux et croquant... On imagine qu’un dessert à la crème est forcément lourd, mais l’idée est de déjouer les clichés, en ayant en bouche un résultat léger ». Depuis peu, Jouvence propose aussi une petite gamme de pains et de viennoiseries, à retrouver à la carte du brunch. « Ça fait un peu cliché, mais lorsqu’on arrivait chez ma grand-mère, il y avait un petit four à pain. Je l’ai toujours eu dans un coin de ma tête, et, dès que j’ai pu, j’ai passé mon CAP boulangerie ».
Couverture de la dernière édition de M Le Monde
Gaudry en Une de M Le Monde. C’était le week-end dernier : François-Régis Gaudry en couverture du magazine du meilleur quotidien de France. Ce que j’ai noté et extrait du papier (à lire en intégralité ici) :
L’existence de l’“assistant” de François-Régis, Thomas Darcos. Un bonhomme au look de jeune chef de cabinet de ministère et qui a un CV bien rempli (bachelor et MBA de l’école Savignac, passages en cuisine au Ritz Paris et en pâtisserie au Pré Catelan…)
On va déguster sur France Inter continue à cartonner (1 700 000 auditeurs chaque dimanche et 350 000 téléchargements en mars 2025)
Qu’il a mis de l’eau dans son vin au fil des années dans ses critiques de restos après avoir de son propre aveu mordu parfois les mollets des chefs dont ceux de Christophe Pelé à l’époque où ce dernier officiait à la Bigarrade à Paris. “J’ai mis un peu de temps à me rendre compte qu’il avait du talent. Celui d’un chef trois étoiles”, reconnaît le journaliste. Le Covid, un désastre pour les restaurants, l’a aussi fait changer de cap : plutôt que de la critique pure, Gaudry préfère désormais “mettre en avant des talents”. François Simon, cité : “Aujourd’hui, il n’est plus dans la critique mais dans l’accompagnement”.
S’il paye toutes ses additions, il ne remet pas (plus ?) de notes de frais à France Inter, “un peu lassé des commentaires lui reprochant de ‘se taper la cloche au frais du contribuable’”.
Il partage tout son répertoire d’adresses sauf une seule, “(son) jardin secret avec (sa) femme et (ses) filles”. On ne saura rien si ce n’est qu’il s’agit d’un restaurant asiatique visiblement plein à craquer tout le temps et situé dans son quartier…
Il est papa de deux filles, l’une lycéenne de 15 ans, l’autre 18 ans, étudiante en archi. Et travaille en famille : son épouse Alexandra Ouzilleau-Gaudry, ex d’Allociné, produit avec lui des émissions dont une à venir sur Arte sur la cuisine de cour à Versailles.
En 2016, il sera à l’honneur dans un spectacle, Le Cabaret gourmand, avec sa bande, au Théâtre du Rond-Point à Paris.
Alors que la presse culinaire n’est pas très glorieuse en France (manque de moyens, manque d’imagination…), cela fait plaisir de voir la food en général et le journalisme food en particulier autant mis à l’honneur. “Populaire, médiatique, belle culture classique, voyageur : François-Régis Gaudry est le nouveau totem de la France à fourchette”, avais-je écrit dans un long portrait début 2019, publié sur le site Bouillantes (ex-Atabula). Je l’avais rencontré à cette occasion pour la première fois quelques semaines plus tôt, dans une brasserie puis chez Radio France. Un gars sympa, la tête bien remplie (il a fait Sciences Po section service public, même promo qu’Axelle , ancienne Secrétaire d’Etat au Numérique sous François Hollande), droit dans ses baskets New Balance. “J’essaie de me comporter en honnête homme”, m’avait-il glissé à l’époque. Quelques mois plus tard, en fin de process pour le remplacer comme rédac’ chef des pages gastronomie de L’Express, il m’avait envoyé un gentil mot (“Moi, je vote Ezéchiel”) même si ce n’était pas lui le décisionnaire. On avait bouffé ensemble aussi à peu près au même moment, il m’avait partagé quelques trucs et astuces, lui qui a 15 ans de plus (bientôt 50 piges). Et puis fin 2023, on s’est pris le bec par personnes interposées, une histoire un peu con de bible culinaire (pour faire simple : je sais qu'il a popularisé le genre dans l’Hexagone, ce qui ne doit empêcher personne de travailler tranquillement sur ce format qui existe de longue date, lui n’étant pas du même avis). Il m’a appelé une petite heure en janvier dernier, en direct cette fois, et on a arrondi les angles. Voilà, c’était la minute “Je me confie” sur un confrère que je continue à respecter et qui fait du bien au métier, quand bien même on n’a pas toujours le même avis.
PS : si vous voulez que je vous transfère ce grand portrait publié en 2019 (plus dispo aujourd’hui en ligne), envoyez moi un petit mot par mail.
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