Oui, et pour deux projets très stylés et très différents.
Nouveau RDV dans Pomélo en partenariat avec la crème Elle & Vire Professionnel : trouver et raconter les prochain(e)s grand(e)s de la pâtisserie en France, les futurs leaders du sucré aujourd’hui seconds, adjoints, sous-chefs et parfois déjà chefs pâtissiers (mais encore méconnus). Pomélo s’est appuyé sur son expérience. On a aussi appelé plumes spécialisées et stars de la pâtisserie pour débusquer de nouveaux talents, les rencontrer, goûter leur travail. Troisième épisode avec Juliette Le Floc’h, cheffe pâtissière du restaurant parisien Marsan par Hélène Darroze, deux étoiles au guide Michelin.
Illustration Nicola Ferrarese pour Pomélo
Juliette Le Floc’h (prononcez Le Floque) déteste le baba au rhum. D’ailleurs, elle n’est pas franchement branchée « sucré ». Pourtant, la jeune femme de 27 ans originaire de Bruz (Ille-et-Vilaine) vient de fêter sa première année en tant que cheffe pâtissière de Marsan, restaurant doublement étoilé de la très cathodique Hélène Darroze. Des babas, elle en débite en moyenne 150 par semaine. Presque 8 000 sur ces 365 derniers jours donc. Sans compter ceux servis depuis décembre dernier sur la table privative de Maison Michodière, nouvelle adresse de 25 convives de la cheffe Darroze. « Ça fait beaucoup de babas ! », lance tout sourire celle qui admet n’être pas gourmande pour un sou – sa passion pour la pâtisserie ? « Un véritable mystère, même pour [elle] ».
C’est que ce dessert est devenu, au fil des années, l’une des signatures de la maison Darroze, au côté du pithiviers et du foie gras poêlé ; on le retrouve à la carte de pratiquement tous les établissements de la cheffe cuisinière, de Jòia (Paris), à La Grande Brasserie au Royal Mansour (Marrakech), en passant par Villa La Coste (Aix-en-Provence)… Arrosé minute de vieil Armagnac distillé par Jean-Marc, frère d’Hélène, plutôt que de rhum, celui-là s’est aussi vu légèrement retravaillé par Juliette Le Floc’h à son arrivée. « Je le voulais moins friable et plus aérien que ce qu’il était », confie-t-elle. Verdict post-dégustation ? Un régal pour quiconque – comme nous et contrairement à elle – raffole de cette douceur ancestrale, rehaussée ces temps-ci (la garniture varie au gré des saisons) par un sorbet au jus de coing réduit, un confit de coing, une gelée coing-gingembre et une chantilly à la baie des Bataks (sorte de poivre indonésien au goût d’agrume).
Avec ce fameux gâteau imbibé, Juliette Le Floc’h s’éloigne un poil de la pâtisserie cuisinée, dont elle a découvert les fondements à l’hôtel Plaza Athénée, entre 2018 et 2020. Née dans le sillage de la “Naturalité”, cette approche d’Alain Ducasse qui privilégie le travail du fruit sur les préparations strictement pâtissières, comme les crèmes et les mousses, séduit d’emblée la cheffe en devenir qu’elle est alors. Auprès de Jessica Préalpato – grande prêtresse du mouvement, qui lui vaudra d’ailleurs d’être sacrée « meilleure cheffe pâtissière du monde » en 2019 –, Juliette Le Floc’h apprend à jeter un pont entre cuisine et pâtisserie. Notamment via les vinaigrettes sucrées, que l’on retrouve, six ans plus tard, dans plusieurs de ses créations à elle. Comme dans ce bluffant dessert autour des agrumes et des graines de coriandre, associé à un mélange d’huile de cresson, d’huile de vanille et de vinaigre de géranium. Une claque aussi savoureuse que peu sucrée, à la carte de Marsan depuis le début de l’hiver.
En janvier 2020, Juliette Le Floc’h finit par voguer vers de (relatifs) nouveaux horizons… Six minutes à pied sépare alors la pâtissière de son deuxième terrain de jeu : le sol marbré de l’hôtel George V. Même triangle d’or, même clientèle argentée, mais une vision de la pâtisserie diamétralement opposée. Celle du chef Mickaël Bartocetti aux manettes de la partie sucrée des trois restaurants étoilés Michelin du palace dont Le Cinq (trois astres Bibendum), table de Christian Le Squer où la pâtissière passera un an et demi en tant que sous-cheffe. Elle y accomplira l’exploit d’une légère mise à jour de la carte des desserts, inchangée depuis vingt ans. « Le chef Le Squer ne voulait pas y toucher. J’ai dû ramer pour le convaincre de la rafraîchir un peu… » Près d’un an après son départ, son croustillant fleuri mêlant chocolat, noisettes, gingembre et lait ribot est toujours au menu. « Ma petite pierre à l’édifice », résume Juliette Le Floc’h.
Retourner Christian Le Squer à 22 ans, faire son miel de babas à l’Armagnac et diriger une brigade de six pâtissiers dans un restaurant doublement étoilé à 27… Qui l’eut cru ? Certainement pas l’apprentie danseuse classique qu’elle était jusqu’à ses 14 ans, l’âge de son premier échec cuisant : « après avoir été formée au Conservatoire de Rennes, j’ai été refusée au Conservatoire de Paris où je rêvais de me professionnaliser ». Soutenue par son père, ingénieur en parapharmacie, et sa mère, professeure d’allemand, Juliette Le Floc’h fait alors le second choix de la pâtisserie en s’inscrivant à l’école Ferrandi. Elle y trouve, d’une pierre trois coups, son don et sa passion occultes pour le travail du sucré, mais aussi et surtout, son amoureux, le chef Louis de Vicari (Contraste, une étoile au guide rouge), avec qui, demain, elle pourrait bien assouvir son désir le plus profond : ouvrir une maison d’hôtes.
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