Cuisine indienne : et si on arrêtait les clichés ? (partie II)

Très grand entretien avec une spécialiste. Non, il n'y a pas que le butter chicken. Et oui, l'Ottolenghi indien existe.

Pomélo
6 min ⋅ 18/02/2025

Bonjour ! Nous sommes le mardi 18 février 2025 et vous lisez Pomélo, le média food pas comme les autres. Bonne lecture ! ☀️

Selva Danassegarane est une trentenaire qui est devenue l’une des voix de la cuisine indienne en France. Ex-cadre marketing au guide Michelin, elle a écrit, sous son pseudo Jody Danasse, le livre À la table d'une famille tamoule: Recettes de mes parents publié en 2022 aux éditions Alternatives et vendu à plus de 2 000 exemplaires. Elle lancera dans quelques jours son propre média, Masala Trends, “la newsletter marketing pour mieux comprendre les cuisines indiennes et aller au-delà du curry”. En attendant, voilà la deuxième partie de nos échanges sur ce répertoire mal connu et trop formaté dans l’Hexagone.

Ne serait-ce pas l’une des clés de la meilleure valorisation des cuisines indiennes en France : une étoile Michelin, ce qui n’existe pas jusqu’ici ?

Si, je pense que le guide Michelin est un des leviers. Après, encore faut-il qu’il y ait des gens qui montent ce genre de restos, qui fassent ce genre de cuisine gastronomique et qui osent proposer des expériences hors des sentiers battus. Il y en a certains qui commencent à émerger chez nous, à Lyon par exemple, Arpitha Savalé. Elle est spécialisée en pâtisserie mais travaille dans un resto, fait des pop-ups…

Des territoires comme le Danemark ou le Pérou ont mis les moyens financiers et humains pour promouvoir leur gastronomie et attirer les mangeurs du monde entier. Il y a en Inde une volonté politique pour des actions autour de la cuisine ?

Je sais que les institutions publiques, comme la chambre de commerce franco-indienne, jouent un peu ce rôle-là et notamment via des partenariats avec des écoles de cuisine type Ferrandi ou Ducasse, des écoles qui ont aussi des volontés d'expansion en Inde. Mais cela reste timide. J’ai vu passer quelque chose en revanche du côté du gouvernement du premier ministre Narendra Modi. A ainsi été lancé en 2023 un label de restaurant indien qui promeut l’authenticité des cuisines indiennes à l’étranger, ça s’appelle l’Annapurna Certificate. Il y a eu la remise des prix pour 2024 très récemment mais c’est une manoeuvre d’extrême droite, c’est très nationaliste et puis je crois que ça privilégie les restos végétariens surtout. Et les conditions sont assez floues…

Pourquoi cela concerne davantage les tables végétariennes ?

C’est une logique nationaliste : les gens oublient cette dimension mais l’Inde reste un pays où les castes sont encore super présentes même si c’est officiellement aboli. Ce que défend Modi, c’est l’Inde hindoue, l’Inde des Brahmanes, c'est-à dire avec des Indiens de souches pures et de confession hindouiste. C’est un discours super flippant… En fait, en Inde, quand tu es végétarien à 100%, voire vegan, cela traduit un peu ta caste et moins tu manges de viande, plus tu es haut placé car "pur". C’est un peu la raison pour laquelle il défend cette idée-là et c’est très, très critiqué dans les articles qui sortent dans la presse locale indienne mais c’est décrit comme un levier de soft power également.

Il y aussi quelqu’un dont nous n’avons pas parlé mais qui a une vraie voix aux Etats-Unis, c’est l’Américaine Priya Krishna, née de parents indiens, qui est la critique restos du New York Times et qui animatrice pour la section vidéo du quotidien. Elle a d’ailleurs publié en 2019 un livre qui a cartonné, Indian-ish : Recipes and Antics from a Modern American Family….

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Par Pomélo

Pomélo fait appel à des journalistes gastronomiques jeunes comme très confirmés. La newsletter est dirigée par Ezéchiel Zérah, ex-rédacteur en chef des pages gastronomie de L’Express ayant écrit par le passé des grands portraits, enquêtes et longs formats culinaires pour des médias tels que les Échos Week-end, Le Point, Vanity Fair ou encore Le Parisien.

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